La négation de l’humain à l’arrivée dans les camps


Comment l’être humain était-il nié dès l’arrivée dans un camp nazi ?

L’état physique et psychique des déportés à l’arrivée dans un camp

A leur arrivée, les déportés étaient très affaiblis à cause de l’épouvantable voyage qu’ils venaient d’endurer sans eau ni nourriture, entassés comme du bétail dans des wagons minuscules où chacun survivait comme il pouvait.

 

Albert Girardet, ancien déporté, décrit ainsi son état à son arrivée au camp de Buchenwald: « je buvais mon urine et je mâchais une pièce de monnaie que j’avais emportée pour essayer de saliver ». Mais le cauchemar ne venait que de commencer. A la descente du train, plus personne n’avait de force, tout le monde était mort de faim et de soif.

 

Gisèle Giraudeau, déportée à Ravensbrück, raconte: « Les femmes étaient encombrées d’affaires, elles s’accrochaient pour ne pas tomber». Certains étaient effrayés, d’autres apeurés ou déterminés à se battre. Aucun ne savait vraiment ce qui l’attendait. L’incertitude prédominait

 

Nier l’identité

Cheveux des déportés à Auschwitz – Musée d’Auschwitz
Cheveux des déportés à Auschwitz – Musée d’Auschwitz

 

Les SS regroupaient les déportés et les dirigeaient vers l’endroit où ils allaient être tondu, afin de les humilier et de les priver d’une partie de leur identité.

 

 

 

 


Les déportés devaient se déshabiller et on leur enlevait tous leurs biens (valises, argent, chaussures, biens précieux…), tout ce qu’ils avaient emmené de précieux au camp ou tout simplement ce qui était une part de leur identité (lunettes, vêtements…). Les Nazis les coupaient brutalement de leur ancienne vie pour les plonger de force dans leur nouvelle vie de détenu. Ils passaient d’une vie d’humain à une vie censée être celle d’esclaves ou d’animaux.

 

Jacques Bocher, ancien interné à Buchenwald,  témoigne ainsi : « J’ai dû quitter tous mes vêtements et tous mes souvenirs ».

 

Paul Jamain, déporté à Sachsenhausen, dit aussi en parlant d’un camarade: « il s’accrochait à cette valise car c’était toute sa vie, chacun s’accrochait à quelque chose car chacun avait besoin de s’accrocher à quelque chose ».

Chacun a besoin d’objets qui le rattachent à sa personne, à son identité.

Ce rituel avait pour but d’effacer toutes les traces de la personne qu’était le détenu avant mais aussi de les déstabiliser physiquement et moralement. Les personnes ne pouvant rien faire pour contester (ou c’était la mort assurée) devenaient silencieuses, anonymes et privées de leur rang social. On comprenait vite que pour survivre, il fallait cesser d’être soi-même.

Les détenus perdaient leur nom et prénom et recevaient un numéro à apprendre par cœur en allemand (voir article sur ce thème). Plus de prénom et de nom de famille, seulement un numéro. C’est un élément essentiel de la déshumanisation voulue par les nazis.

 

A Auschwitz seulement, les Juifs étaient tatoués d’un numéro qui représentait cette nouvelle identité, plus animale qu’autre chose. Jacques Bocher, déporté de Buchenwald raconte : « pour les Allemands, nous n’étions que des numéros. Rien de plus ».

 

Toujours dans leur idéologie de perfection maladive et de peur de contamination du « sang aryen », les SS envoyaient les détenus à la « purge ». Ils étaient lavés et désinfectés dans de grandes cuves ou dans de grandes salles carrés poisseuses avec quelques pommeaux de douche, comme si être juif ou opposant politique était une infection.

 

 

Jaques Bocher raconte qu’il : « a dû prendre un bain dans une grande cuve ». La purge était très pénible car les détenus étaient entassés les uns contre les autres. Ils étaient désinfectés avec un tas de produits désagréables qui brûlaient leurs corps rasés.

 

Emil Torner, déporté à Buchenwald et à Dora raconte : « Évidemment le bain de grésil nous a piqué terriblement, ça nous brûlait. »

 

 

A Auschwitz et Majdanek se déroulait l’étape de la sélection. Les Juifs étaient groupés en file et les SS en sélectionnaient une partie selon les besoins du jour. Ils ne pouvaient par exemple sélectionner pour le travail que des hommes robustes, ou alors également des femmes. Parfois, ils demandaient les professions (pour voir s’ils avaient un intérêt pour eux). Certaines fois ils sélectionnaient les ¾ d’un convoi pour le travail, parfois à peine 10%. Il n’y avait pas de règle, tout ne dépendait que du besoin du camp et du nombre de personnes décédées la veille. Par contre les enfants, les personnes âgées, les personnes jugées malades ou infirmes n’avaient presque aucune chance d’être sélectionnées pour le travail. C’est une parfaite négation de l’être humain tellement le système de « sélection » était aléatoire.

 

Lors de cette sélection, deux files étaient formées. Une permettait d’atteindre le camp de travail et l’autre envoyait tout droit vers la mort. Personne ne savait vraiment que la file des « non-sélectionnés pour le travail» partait tout droit vers la mort puisqu’ils étaient engloutis en silence par le camp. Parfois, cette sélection a été remplacée par un système beaucoup plus expéditif : les SS ouvraient simplement les portes du wagon sans donner aucune explication et ils ne gardaient que ceux qui descendaient du bon côté du train.

 

La sélection n’était présente que pour les camps mixtes (Auschwitz et Majdanek), dans les centres de mise à mort comme Belzec ou Chelmno, tous les déportés étaient directement envoyés vers la chambre à gaz, à l’exception de quelques juifs qui étaient sélectionnés pour faire partie des « sonderkommando », le commando de juifs qui était chargé de faire le « travail» d’extermination à la place des nazis.

 

Dès l’arrivée dans le camp et dès le moment de la sélection, on constate donc une entreprise de déshumanisation et d’irrespect total de l’identité de la personne humaine.

 

Mattéo Deshayes, 3°1

 


Sources :

 

Pour les témoignages : Fédération pour la mémoire de la déportation: (http://www.bddm.org/aud/index_aud.php)

 

Mémorial holocauste Washington: https://www.ushmm.org/fr

 

Article Du : Supplément du PATRIOTE RESISTANT n°914 :

 

Extrait de Primo Levi : Si c’est un homme, Julliard, 1987

 

 

Nom des images

Légende

Source

Cheveux

Cheveux des déportés à Auschwitz – Musée d’Auschwitz

Photo © Marie Berthod

Lunettes

Lunettes prises aux déportés à Auschwitz – Musée d’Auschwitz

Photo © Marie Berthod

A

Chaussures prises aux déportés à Auschwitz

Photo © Marie Berthod

B

Chaussures prises aux déportés à Majdanek - Musée de Majdanek

Photo © Marie Berthod

Salle de douche

Salle de douche de Majdanek, Pologne

Photo © Marie Berthod

Sélection A et B

La sélection, photo prise par un SS entre mai et juillet 1944 à Auschwitz

L'Album d'Auschwitz, par Serge Klarsfeld, Marcello Pezzetti et Sabine Zeitoun, coédité par la Fondation pour la mémoire de la Shoah et les éditions Al Dante. 2005