La négation de l'homme: la perte d'identité dans le système génocidaire


Nous allons voir que la négation de l’Homme dans le système concentrationnaire nazi passe par une volonté de faire perdre au détenu son identité d’être humain.

 

1. Les vêtements

Des femmes à Auschwitz au milieu d’une paire de chaussures provenant d’un concoi de juifs hongrois en mai 1944.  US Holocaust Memorial Museum, courtesy of Yad Vashem
Des femmes à Auschwitz au milieu d’une paire de chaussures provenant d’un concoi de juifs hongrois en mai 1944. US Holocaust Memorial Museum, courtesy of Yad Vashem

 

A peine les déportés arrivés au camp, les SS leur prennent tout. Plus rien ne leur appartient, ni leurs bijoux familiaux ni leurs vêtements. A la place, on leur donne des loques rayées faites de toile de jute pour qu’ils se ressemblent tous et ne se sentent pas comme des êtres uniques. Les détenus prennent l’apparence de misérables clochards ; ils sont démunis, transformés, dépouillés de tous signes extérieurs qui distinguent la personne et lui donne une personnalité. On est donc bien dans une entreprise de déshumanisation.

 

Chaussures prises aux déportés. Musée d’Auschwitz  © Marie Berthod
Chaussures prises aux déportés. Musée d’Auschwitz © Marie Berthod
Chaussures prises aux déportés. Musée d’Auschwitz  © Marie Berthod
Chaussures prises aux déportés. Musée d’Auschwitz © Marie Berthod

 

 2. Les cheveux

Cheveux de détenues prêts à être expédiés en Allemagne et trouvés à la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. Pologne, 1945.  https://www.ushmm.org National Archives and Records Administration, College Park, Md.
Cheveux de détenues prêts à être expédiés en Allemagne et trouvés à la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. Pologne, 1945. https://www.ushmm.org National Archives and Records Administration, College Park, Md.

 

Les cheveux sont une part importante de l’identité d’une personne. A leur arrivée, les détenus étaient tondus sur la tête et le corps tout entier dans les postures les plus humiliantes qui soit, surtout pour une femme. Les nazis veulent que les détenus perdent tout signe de leur personnalité et qu’ils soient tous identiques. Les cheveux serviront à faire des perruques pour les Allemands. « On nous a rasé les cheveux. C’était bouleversant pour des femmes. À ce moment-là, quelques femmes de mon groupe ont commencé à poser des questions aux tondeuses » dit Ginette Kolnka déportée à Auschwitz à 19 ans.

 

 

 

3. Les numéros et les tatouages

Un numéro et un uniforme pour déshumaniser     © Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim (Pologne), collection Mémoire Vive.
Un numéro et un uniforme pour déshumaniser © Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim (Pologne), collection Mémoire Vive.

Maria Semenovna, une Russe déportée à Auschwitz en 1943, raconte ce qu’elle a observé à son arrivée: « Dans le camp, des gens faméliques à faire peur marchaient en vêtements rayés. Des gardiennes allemandes, des fascistes, sont arrivées. Elles nous ont tout pris et nous ont attribué un numéro. J’avais le 75490, et mon amie, le 75489. On nous a rasées et envoyées comme ça – pas de prénom, pas de nom de famille, rien qu’un numéro. On nous a donné des vêtements rayés, une veste rayée, des sabots et un fichu, et on nous a mis en quarantaine dans un baraquement. ». Le numéro va remplacer toute identité dans tout le système concentrationnaire nazi.

 

Un détenu tatoué de son numéro à Auschwitz (cela semble être une photo de Roger Rougerie)  pinterest
Un détenu tatoué de son numéro à Auschwitz (cela semble être une photo de Roger Rougerie) pinterest

A Auschwitz, les déportés sont tatoués de leur numéro (qui remplace leur nom) sur l’avant-bras gauche. Ils cessent d’être des individus avec une identité unique pour devenir de simples numéros. C’est un signe manifeste de déshumanisation car ils sont marqués comme du bétail.

 

«Quand nous sommes arrivées dans le camp, la première chose qu’ils nous ont faite a été de nous mettre nues et de nous tatouer. J’étais le matricule n°78599 » témoigne Ginette Kolnka, ancienne déporté d’Auschwitz.

 

Les détenus en arrivent presque à oublier que les autres détenus ont un nom. Robert Antelme en parle dans L’espèce humaine « le chef de block est parti il ne nous a rien dit ; il a simplement regardé la colonne, il n’a fait aucun signe. (…) Il n’avait aucune raison de nous serrer la main. Ce monde avait fabriqué ces hommes et lui-même, ennemi des SS, était un de ces hommes. Je n’ai jamais pensé qu’il pouvait avoir un nom, je me suis demandé: «comment s’appelait-il ? ».

 

4. La déshumanisation absolue

 

Les Nazis considèrent les détenus comme des animaux de sommes anonymes et les juifs comme des parasites. Ils ne les traitent plus comme des hommes et vont jusqu’à leur empêcher de penser. Les Nazis transforment leurs prisonniers en des fantômes livides en tenant de leur enlever leur âme et leur raison. Ils les font travailler très dur pour leur empêcher d’avoir le temps de réfléchir car ils doivent obéir à des ordres très stricts. De plus, affaibli par un manque de nourriture, l’être humain a beaucoup plus de mal à raisonner distinctement.

 

Le système concentrationnaire a mis en place une déshumanisation programmée des détenus, un nouveau monde sans dignité, sans espoir, sans avenir et sans passé. Il n’était pas possible de concevoir une condition humaine plus misérable que celle des détenus à l’époque.

 

On a l’impression de deux « humanités différentes » dans les camps. Les bourreaux ne semblent plus du même monde que les victimes : « si nous parlons il ne nous écouterons pas mais même si ils nous écoutaient, ils ne nous comprendraient pas. » dit Primo Levi dans Si c’est un homme.

 

Ils n’ont plus aucun droit fondamental de l’être humain, même les libertés de penser et s’exprimer leur ont été enlevées. Ginette Kolnka, déportée à Auschwitz à 19 ans témoigne : "Est-ce que je pensais? Je ne sais pas, je ne crois pas. Je ne faisais que subir».

 

Les déportés n’ont plus le droit d’exprimer des sentiments. Pourtant Robert Antelme écrit dans L’espèce humaine qu’il veut essayer de ressentir le sentiment sans pouvoir l’exprimer pendant la journée: « on essayait de retenir cette joie, de calculer pour la retenir le plus possible, de ne pas s’en séparer ». Il était impossible d’exprimer un sentiment devant des SS. Pour rester un homme, Robert Antelme raconte qu’il essayait d’exprimer ses sentiments pendant la nuit, il n’était pas envisageables de les exprimer la journée.

 

L’être humain détenu au camp devient de plus en plus insensible, au cœur de pierre. Robert Antelme raconte « tout se passait comme si rien de ce qui pouvait arriver d’inimaginable à un homme n’était plus susceptible de provoquer en lui ni pitié ni admiration, ni dégoût ni indignation. »

 

Conclusion

 

Les Nazis voulaient enlever tout signe d’humanité aux détenus en les faisant souffrir et en les traitant comme des êtres inférieurs à l’espèce humaine.

 

 

Mélisse Clochey et Marie Krol, 3°1

 

Sources :

 

Primo Levi, Si c’est un homme, Julliard1987

Robert Antelme, L’espèce humaine, Gallimard 1957

 

Le courrier de Russie :

http://www.lecourrierderussie.com/opinions/on-la-entendu-a-lest/2015/01/temoignage-survivante-russe-auschwitz/ (temoignage d’une deportée russe)

 

Le nouvel Obs

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1313086-a-19-ans-j-ai-ete-deportee-au-camp-d-auschwitz-je-n-en-ai-pas-parle-pendant-40-ans.html (témoignage de Ginette Kolnka)

 

Sources des images:

 

Légende

Source

Des femmes à Auschwitz au milieu d’une paire de chaussures provenant d’un concoi de juifs hongrois en mai 1944.

US Holocaust Memorial Museum, courtesy of Yad Vashem

Chaussures prises aux déportés. Musée d’Auschwitz

© Marie Berthod

Chaussures prises aux déportés. Musée d’Auschwitz

© Marie Berthod

Cheveux de détenues prêts à être expédiés en Allemagne et trouvés à la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. Pologne, 1945.

https://www.ushmm.org National Archives and Records Administration, College Park, Md.

Un numéro et un uniforme pour déshumaniser

© Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim (Pologne), collection Mémoire Vive.

Un détenu tatoué de son numéro à Auschwitz (cela semble être une photo de Roger Rougerie)

pinterest