Lutter pour survivre


Nous allons vous parler du régime concentrationnaire nazi. Nous allons tenter dans ce sombre domaine, de vous apporter la lumière, vous expliquer comment certains déportés ont réussi à survivre aux maltraitances, aux insultes, aux privations, à l’extermination de leurs proches, à cette tentative nazie de négation de l’Homme. Comment l’humain a-t-il fait pour vivre malgré la violence des mots et des actes ?     

 

Ce que prône l’être humain c’est « un pays qui a le sens de la mesure, qui exerce la justice, qui défend la liberté, qui croit à la fraternité des hommes »  dit Aimé Boniface, dans Détenu 20801 dans les bagnes nazis, 1946, FNDIRP et AFMD-30. C’est la fraternité, la solidarité, l’amitié dont certains détenus ont su faire preuve qui représentent le mieux l'espèce humaine.

 

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fraternité

Qu’est-ce que l’humanité ?

 

           

L'humanité (du latin humanus  « humain ») est à la fois l'ensemble des individus appartenant à l'espèce humaine (homo sapiens) mais aussi les caractéristiques particulières qui définissent l'appartenance à cet ensemble. C’est aussi un sentiment de bienveillance, de compassion envers autrui. Cela renvoie à la bonté, la pitié, la sensibilité.

 

Comment survivre dans les camps ?

 

Tout d’abord, pour lutter, les déportés essayaient tant bien que mal de s’adapter aux conditions des camps. Il fallait préserver ses forces et conserver sa dignité. Les déportés essayaient aussi de sauvegarder en eux l’humanité, les codes sociaux face à la barbarie et à la bestialité à laquelle les SS voulaient les réduire.                              

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l’humanité

Les « sous-hommes » faisaient preuve d’entraide et de solidarité comme de vrais hommes. Des rescapés racontaient que beaucoup tendaient la main à autrui, donnaient des conseils … Walter Bassan raconte qu’à Dachau, lui et ses camarades se réconfortaient, tentaient de se remonter le moral et en venait même à donner un peu de leur soupe aux autres déportés affaiblis pour essayer d’augmenter leurs chances de survie.

 

Parfois, les détenus arrivaient à confectionner des petits objets à partir de matériaux récupérés. Rien que cela permettait de se rappeler qu’on n’était pas un animal.

 

Des rescapés ont dit qu’il fallait souvent « rêver » pour se remonter le moral. Certains ont trouvé en eux la force de résister au désespoir en recourant aux « armes de l’esprit ». Il fallait rester fort d’esprit, plus que tout. Lâcher c’était mourir. Hermann Langbein écrit dans Hommes et femmes à Auschwitz : « C’est là une preuve irréfutable qui si un régime inhumain peut assassiner, il ne peut écraser complètement les sentiments humains chez ceux qu’il laisse en vie. »

 

La résistance dans les camps nazis s’organisaient sous des formes multiples : tentatives d’affaiblir la machine de guerre allemande en ralentissant les corvées, sabotages sur le lieu de travail, dans les usines d’armement malgré les risques encourus. 

© Marie Berthod
Entrée du camp d’Auschwitz aujourd’hui

« Nous sommes des esclaves, certes, privés de tout droit, en butte à toutes les humiliations, voués à une mort presque certaine, mais il nous reste une ressource, et nous devons la défendre avec acharnement parce que c’est la dernière : refuser notre consentement. »

 

Si c’est un homme, Primo Levi, Pocket 1988

 

Primo Levi nous fait comprendre à travers ces paroles que même aux plus durs moments de l’humiliation, l’être humain a encore son esprit, sa raison pour résister mentalement. C’est ce qui nous fait Homme.

 


Témoignage de Francine Christophe dans le film Human, de Yann Arthus-Bertrand,  en 2015:

 

Human, film de Yann Arthus-Bertrand, 2015
Francine Christophe

Francine Christophe est née le 18 août 1933 (l’année où Hitler prend le pouvoir). Le 2 mai 1944, elle est déportée avec sa famille (arrêtée pour résistance) dans le camp de Bergen-Belsen. Dans le camp, une amie de sa mère se nommant Hélène était sur le point d’accoucher donc elle fut transportée dans une autre baraque. La mère de Francine décida de lui  donner un morceau de chocolat qui devait servir si Francine allait mal. Mais elle a préféré le donner à Hélène pour surmonter son accouchement. Vous vous dites sûrement que le chocolat n’a rien à voir dans l’histoire mais au contraire, il est symbolique. Hélène a survécu à l’accouchement, le bébé a survécu car elles ont réussi à le cacher (elle raconte qu’il n’a jamais pleuré) et les femmes furent libérées du camp six mois plus tard. De nombreuses années plus tard, lors d’une conférence, une jeune femme lui dit : « Avant de témoigner des dernier mots de ma mère, j’aimerais remettre quelque chose à Francine Christophe. » Elle s’approcha de Francine, fouilla dans sa poche et sortit un morceau de chocolat qu’elle tendit à Francine en lui disant : « Je suis le bébé. » 

 

Ce chocolat symbolique donné à la mère du bébé a été pour elle un cadeau qui l’a aidé à survivre, qui lui a montré qu’elle n’était pas seule.

 

 

Les œuvres dans les camps :

 

Souvent, les déportés chantaient tout doucement le soir dans leur baraque, se récitaient des poèmes, organisaient des petits spectacles entre eux. Cela leur permettait de se sentir encore vivant, de se sentir encore un être humain, rempli de culture. Robert Antelme parle dans l’Espèce humaine d’un dimanche après-midi où les prisonniers ont chanté des chansons pour se rappeler la vie d’avant. Charlotte Delbo évoque dans Aucun de nous ne reviendra une pièce de théâtre que jouaient clandestinement les prisonnières.

 

L’art permet de surmonter cette tentative nazie de déshumanisation. L’art distingue l’homme de l’animal.

 

Analyse d’un poème de Charlotte Delbo, extrait du livre Aucun de nous ne reviendra.

 

« Ô vous qui savez », Aucun de nous ne reviendra, Charlotte Delbo, 1965
Poème de Charlotte Delbo recopié par Héloïse

Charlotte Delbo s’adresse à l’opinion publique qui croit tout savoir, elle nous explique avec ironie et émotion ce qu’est la peur, la vraie, ce que sont le désespoir et l’horreur.

Elle utilise l’expression:« ô vous qui savez» de façon très ironique, pour faire comprendre aux gens qu’ils ne savent pas ce qu’est la souffrance, la peur ou la déshumanisation.

L’auteur explique ce qu’elle a vu, vécu et surmonté à travers des phrases touchantes et remplies de tristesse.

Elle raconte que là-bas, les déportés sont partagés entre lutter pour survivre ou laisser la mort les emporter loin de ce carnage:

« Saviez-vous que le matin on veut mourir

que le soir on a peur».

 

Les épreuves surmontées l’ont transformée, elle est devenue plus forte que jamais, elle a découvert une seconde force du corps humain, interne, venant du cœur et de l’esprit. Elle a développé en elle un mental de résistante.

«Saviez-vous que l’on peut voir sa mère morte

  et rester sans larmes».

 

Charlotte Delbo parle de l’horreur absolue, rien ne pouvait être pire que de voir quelqu’un que l’on aime mourir sous nos yeux, en étant dans l’incapacité de lui porter secours et ne pouvoir verser aucune larme, tellement le camp est un endroit où les émotions n’ont plus lieu.

Ce poème reflète la déshumanisation dans son ensemble, l’auteur ne dénonce pas une seule maltraitance en particulier, elle généralise l’horreur et le désespoir, de façon à ne rien oublier. Elle veut faire comprendre au monde entier ce qu’est la souffrance, empêcher comme elle le peut à travers ces vers que cela ne recommence. Elle finit par deux questions philosophiques sur l’inhumanité dont est capable l’être humain:

 

«Saviez-vous que la souffrance n’a pas de limite

l’horreur pas de frontière ?»

 

Elle dénonce dans cette phrase la négation de l’Homme qu’elle a subie.

A la fin du poème, il y a ses quatre vers non recopiés sur la photo:

 

«Ma mère

C’était des mains un visage

Ils ont mis nos mères nues devant nous

Ici les mères ne sont plus mères à leurs enfants.»

 

Malheureusement elle veut montrer que l’inhumanité des bourreaux est bien humaine. Ce sont bien des humains qui ont été si inhumains.

Il n’y aura jamais pire que de voir une personne que l’on chérit se faire humilier et tuer sous nos yeux, on ne peut faire pire en terme de déshumanisation.

© Marie Berthod
Stèles commémoratives des camps de concentration, Pologne

Terminons sur la leçon à tirer de cette horrible entreprise de déshumanisation du système concentrationnaire nazi.

 

« Désormais, nous ne devrions plus tolérer qu’un être humain soit méprisé quelque part, qu’il ait faim, qu’il soit passé à tabac dans un poste de police, qu’il soit soumis à un régime pénitentiaire dégradant, qu’il ne soit qu’un matricule dans l’aveugle engrenage des intérêts économiques, que des propagandes racistes puissent se donner libre cours. »

 

                                  

Détenu 20801 dans les bagnes nazis, Aimé Boniface, FNDIRP et AFMD-30, 1946

 

Aimé Boniface dit que chacun doit toujours se battre pour faire respecter les droits de l’Homme, jamais un homme ne doit être méprisé ni nié dans sa qualité d’être humain. L’inhumanité du régime nazi ne doit jamais se reproduire.

 

Anthony Dauliack, Héloïse Petitjean, 3°2


Sources :

 

Détenu 20801 dans les bagnes nazis, Aimé Boniface, FNDIRP et AFMD-30, 1946

Si c’est un homme, Primo Levi, Pocket 1988

Hommes et femmes à Auschwitz, Hermann Langbein, Editions Tallandier, 2011

Témoignage de Francine Christophe : Human, film de Yann Arthus-Bertrand, 2015

 

 

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Entrée du camp d’Auschwitz aujourd’hui

© Marie Berthod

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Francine Christophe

Human, film de Yann Arthus-Bertrand, 2015

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Stèles commémoratives des camps de concentration, Pologne

© Marie Berthod

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Poème de Charlotte Delbo recopié par Héloïse

« Ô vous qui savez », Aucun de nous ne reviendra, Charlotte Delbo, 1965